Les managers de santé peinent à concilier carrière, vie de couple et parentalité

Publié le 20/09/2024 par Thomas Quéguiner
Article Hospimedia 

 

Tensions dans le couple, projet d’enfant reporté voire annulé, tâches domestiques gérées à sens unique, loisirs réduits à portion congrue… Le quotidien professionnel des dirigeants hospitaliers percute lourdement leur vie sociale et familiale.

 

Tensions verbales, menaces physiques, discriminations, injonctions paradoxales, défiance, tensions budgétaires…” “Notre système de santé est à l’image des tensions de notre société“, a souligné le 19 septembre à Paris Jérôme Goeminne, le président du SMPS, à l’occasion du congrès annuel du syndicat. Face à ces maux, les manageurs de santé sont en première ligne avec une qualité de vie au travail qui passe encore trop souvent au second plan. À l’instar de précédents travaux en la matière, comme celui produit par l’Association des directeurs d’hôpital en juin 2022 (lire notre article), l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée reste délicat à trouver pour les personnels de direction. Selon une nouvelle enquête menée par le SMPS, ils sont 46% à juger que le temps consacré à leur travail est clairement “déséquilibré faute de disposer des leviers adéquats pour favoriser une meilleure conciliation entre leur métier et leur vie privée.

69% ont déjà songé à quitter leur emploi

D’ailleurs, un tiers seulement (31%) considèrent que leur supérieur hiérarchique est très à l’écoute même si, à l’opposé, ils sont 61% à déclarer que leurs responsables les laissent adapter leurs conditions de travail, avec du télétravail pour 55% d’entre eux ou autres adaptations de leurs journées pour 50%. Ce qui est certain en tout cas, c’est que plus de la moitié des répondants (54%), dans un panel de 549 manageurs hospitaliers* interrogés au mois d’août par le syndicat, considèrent que leurs conditions d’exercice se sont dégradées après la crise sanitaire. Cela tient avant tout aux tensions sur les ressources humaines (82%), puis dans une moindre mesure au climat social détérioré (51%) et au manque d’écoute et d’échange (46%).

S’agissant des effets de ces déséquilibres entre vies professionnelle et personnelle, ils sont 41% à penser qu’“un fort investissement de leur part nuit à leurs relations avec leurs collègues ou collaborateurs“. Dans le détail, les tensions sont largement attribuées à l’organisation du travail (53%), le fonctionnement en continu (49%), les relations avec certains professionnels (48%) ou encore les missions de management (43%). Les contraintes telles que les interruptions de tâche, le reporting excessif ou les contraintes budgétaires et territoriales sont également pointées du doigt. Quant aux temps de pause, ils sont à 73% consacrés à la socialisation professionnelle ou la veille et la relecture des mails (32%). L’organisation personnelle passe donc après tout le reste (21%).

La conséquence immédiate, c’est la “fuite de manageurs” et un “défaut d’attractivité“. Ainsi, “69% ont déjà songé à quitter leur emploi, 43% ont déjà refusé ou renoncé à un poste à cause de ce déséquilibre et 51% énoncent qu’un candidat a déjà refusé un poste à cause de la conciliation avec sa vie personnelle” (lire notre article).

71% font état de tensions dans leur couple

De ce travail d’objectivation des ressentis, il en ressort des répercussions directes sur l’état de santé (77%), que ce soit à travers le sommeil (83%), le poids (53%) et la santé mentale (43%). De même, 95% des sondés indiquent avoir déjà observé un cas d’épuisement professionnel chez un de leur collègue (et 81% plusieurs fois) et 53 % en avoir personnellement souffert. De fait, 47% des responsables hospitaliers avouent chaque jour “quitter leur poste sans avoir le sentiment d’avoir accompli leurs missions“.

À cela se greffent de sérieux écueils sur la vie sociale et familiale, d’autant que 77% continuent de penser à leur travail hors les murs de leur établissement. Conséquence : 71% font état de tensions dans leur couple et 12% parlent d’une rupture directement liée à leur travail ; 36% indiquent que leur vie a contraint l’exercice professionnel de leur conjoint ; 54% témoignent d’une répartition à sens unique des tâches domestiques ; et 74% manquent de temps pour leurs loisirs, ceux-ci étant de facto réduits à portion congrue. Au final, 20% des répondants indiquent avoir reporté ou annulé un projet d’enfant eu égard à leurs obligations professionnelles, même si 81% des manageurs pensent que leur profession s’avère tout à fait “compatible” avec la parentalité. 47% ne parviennent à concilier leur vie professionnelle après l’arrivée d’un enfant qu'”au prix de grands sacrifices“.

Paoli-Calmettes, Nancy, Brignoles, Antibes et La Rochelle primés

À l’occasion de son congrès, le SMPS a récompensé cinq établissements pour leur action en faveur de l’égalité professionnelle :
l’Institut Paoli-Calmettes à Marseille (Bouches-du-Rhône), honoré du premier prix pour l’ensemble des actions mises en œuvre à travers son plan égalité professionnelle ;

  • le CHU de Nancy (Meurthe-et-Moselle), qui décroche le deuxième prix pour les travaux menés par son groupe égalité-diversité, en particulier sur la sensibilisation des violences sexuelles et sexistes ;
  • le CH de Brignoles (Var), dont l’action en faveur de l’amélioration de la santé des femmes en milieu professionnel est saluée par l’obtention du troisième prix ;
  • le CH d’Antibes-Juan-les-Pins (Alpes-Maritimes) et le groupe hospitalier La Rochelle-Ré-Aunis (Charente-Maritime), qui reçoivent tous deux un prix coup de cœur, respectivement pour la diversité et le dynamisme des mesures mises en œuvre d’un côté, la détection à la prise en charge et la lutte contre les violences intrafamiliales de l’autre.

*Ce panel comprend 42% de directeurs (directeurs d’hôpital, directeurs d’établissements sanitaires, sociaux et médico-sociaux, directeurs des soins), 42% de cadres de santé et cadres supérieurs de santé, 9% de cadres administratifs, 4% d’ingénieurs et 3% de manageurs médicaux. Deux biais statistiques dans ce tableau : il compte 73% de femmes et 71% de responsables âgés de moins de 50 ans.

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